Comment êtes-vous arrivé dans le secteur de l’immobilier ?
J'ai toujours été un entrepreneur. J’ai débuté ma carrière dans le monde de l’assurance et créé l’une des premières assurtech, un courtier comparateur de mutuelles que j'ai vendu pour plus de 100 millions d’euros. L'immobilier est venu assez rapidement car c’est un secteur qui m'a toujours attiré. Il a le mérite d’être concret et d’avoir un impact sur la société. On peut lui faire le reproche d’être en retard, d’être actuellement dans une période de troubles depuis l’été 2022 avec la remontée brutale des taux qui a suivie pendant 2 ans, mais c’est dans les périodes de crises qu’on peut créer des géants. Et j’investis pour.
Les entreprises dans lesquelles vous avez investies, justement, quelles innovations emploient-elles ?
Je reçois 1000 decks par an et j’ai investi dans plus de 120 startups en 7 ans ce qui me permet d’avoir naturellement une veille permanente sur les nouvelles tendances et solutions. Quand j'investissais dans différents secteurs avant de me recentrer sur les proptech, j’avais par exemple investi dans Yuka dès leurs débuts avec 100 000€, une application qui scanne les produits alimentaires et cosmétiques pour décrypter leur composition et évaluer leur impact sur la santé et l'environnement. Aujourd’hui c’est plus de 60 millions d’utilisateurs dans le monde dans plus de 10 pays, dont 21 millions d’utilisateurs en France, et déjà 16 millions d’utilisateurs aux États-Unis, avec des résultats probants : ils ont réussi à remporter des batailles juridiques contre des géants du secteur sur des pratiques trompeuses pour les consommateurs. Quand je leur ai demandé comment ils faisaient pour avoir autant de data sur les produits, leur réponse était géniale : elle existe mais aucun industriel ne veut l’afficher.
L’immobilier doit s’inspirer de ces succès-là. Je pense à une entreprise comme KOMPOZITE qui a su allier technologies et développement durable. C’est une startup qui a digitalisé tous les documents du CSTB depuis 40 ans pour définir les meilleurs mariages de matériaux, avec notamment le plus faible bilan carbone. Ils ont travaillé avec des géants comme Saint-Gobain et su valoriser leurs produits bas carbone en démontrant leur intérêt et se concentrent désormais sur l’optimisation de leur supply chain.
Vous êtes également investisseur dans le secteur du bureau, qu’est-ce qui a changé pour cette classe d’actifs ?
Entre 2009 et 2022, il y a eu plus de 13 années avec des taux quasi nuls. Vous alliez à la banque, vous disiez : « Bonjour, je veux acheter un bâtiment à 100 millions, pouvez-vous me financer à 90 % ? » Et vous trouviez une banque prête à le faire.
Ce n’est évidemment plus le cas aujourd’hui, et les investisseurs ne veulent plus, ou veulent moins, investir dans le secteur des bureaux, car il y a beaucoup d’appréhension et de confusion autour de cette classe d’actifs.
Personnellement, je crois encore au marché des bureaux, mais uniquement pour des actifs récents, parfaitement localisés, adaptés aux nouveaux usages de travail et aux services.
Même si actuellement l’immobilier de bureau subit un désamour et même une défiance de la part des investisseurs, je suis convaincu qu’avec la baisse des taux en cours, les investisseurs reviendront en sélectionnant de beaux actifs « core » et axés sur les services.
En revanche, pour certains actifs anciens et obsolètes, avec une localisation non prime, la situation sera très compliquée pendant longtemps. Quand je décide de me positionner sur des bâtiments, je m’associe avec des propriétaires pour restructurer des immeubles vacants, en effectuant les travaux nécessaires et en exploitant le bâtiment ensuite en échange d’un partage du potentiel de valorisation (upside).
Récemment, un investisseur avec lequel nous avons signé un partenariat possédait un bâtiment dans Paris de 7.000 mètres carrés valorisé à environ 100 millions d’euros. Je leur ai dit ‘On va réaliser les travaux pour vous, on est des experts avec Courtin Promotion ‘. Ils voulaient faire un rooftop. Le rooftop à Paris sert 2 semaines par an. On a adapté un peu ce qui était prévu et en enlevant le rooftop le budget travaux va passer de 3.000 à 1000 euros du mètre carré et durer 3 fois moins de temps tout en économisant 13 millions d’euros. Cette décision a permis de louer à 865€ du mètre carré et à une entreprise de s’installer (FLEX-O). Simplement en pensant ‘Preneur’. Les entreprises réduisent leurs surfaces d’un tiers pour des raisons économiques ou d’évolution des modes de travail. Écoutons-les. Faisons en sorte que les bureaux répondent enfin à leurs besoins.
Je suis convaincu que, dans ce contexte, de nombreux partenariats verront le jour entre des propriétaires de bâtiments et des experts en travaux. Ces collaborations permettront d'optimiser le coût des travaux pour le propriétaire tout en maximisant la valeur d'usage du bâtiment pour le preneur, en améliorant simultanément l’usage du bâtiment et sa valorisation globale.
Quels sont les outils qui peuvent révolutionner l’expérience bureau par exemple ?
Je suis effaré quand j’arrive dans des bureaux de très grandes entreprises pour un rendez-vous et que l’hôtesse d’accueil envoie un mail ou passe un appel, quand ce n’est pas un fax (rires) pour prévenir que je suis arrivé. Aujourd’hui, pour Flex-O, mon entreprise d’espaces de travail en flex office et coworking implantés dans plus de 10 métropoles françaises, on a développé une solution digitale permettant à tous les utilisateurs de gagner un temps fou. J’arrive à l’accueil, on me scanne : ‘autorisé / pas autorisé ‘. J’ai besoin d’une salle, en trois clics je suis installé avec ma salle réservée et ma réunion en visio connectée. J’ai une voiture électrique, dans l’application je dis ‘je veux une place avec borne de recharge de 10h à 18h’. Nous avons réalisé des partenariats avec des leaders dans les recharges de véhicules électrique qui en plus utilisent de l’électricité verte. Ça cartonne. Cet outil qu’on a conçu originellement pour nous depuis 2020 fonctionne tellement bien qu’on le propose à d’autres désormais. Depuis janvier 2020, Saas-Office a été créé et compte déjà 45 collaborateurs.
Et il y a un marché pour les logiciels dans le secteur de l’immobilier de bureau ?
Énorme ! On est passé de 5 à 45 personnes chez SaaSOffice en 6 mois et nous recrutons encore 50 talents. Je viens de recruter une personne référente pour l’IA chez Accenture pas plus tard que ce matin. On aura signé 3 millions d’euros d’ARR (revenu récurent) d’ici la fin de l’année, et nous visons le double pour 2025 puis chaque année, j’ai une très grosse ambition pour cette nouvelle activité avec un objectif de réaliser 100 millions d’euros d’ici 5 ans. C’est la convergence de toutes mes expériences : startup, tech, immobilier. J’ai annoncé me concentrer sur le secteur de l’immobilier, vous comprenez pourquoi. C’est un marché qui n’a plus d’equity… Ce que je fais, d’autres le font. Il y a des entreprises qui ouvrent des parkings ou des bureaux depuis les téléphones, il y a toujours des entreprises qui ‘font’ quelque chose que vous faites. Néanmoins aujourd’hui, personne ne fait tout ce qu’on fait depuis une seule application et un backoffice solide avec tous les normes de sécurité ISO. Et personne n’a envie d’avoir 10 applications différentes pour aller au bureau. Aujourd'hui, vous voulez louer un appartement, vous avez Airbnb. Vous voulez réserver un hôtel, vous avez Booking.com, vous voulez prendre un taxi, vous avez Uber ou G7. Vous voulez un bureau, vous avez quoi ? Vous avez un formulaire, cela n’a aucun sens selon moi.
Quel est le secret d’une startup qui marche ?
L’équipe fondatrice, sa vision long terme et sa capacité d'adaptation et d'exécution. Quand je reçois des demandes, ils ont tous fait des super écoles, le deck est très beau mais concrètement ils n'ont même pas encore lancé quoi que ce soit et fait un peu de chiffre d’affaires qu’ils veulent lever plusieurs millions d’euros. Pour ma part, je sélectionne exclusivement ceux qui ont déjà lancé leur produit et font déjà du chiffre d’affaires. Sinon je ne regarde même pas la suite.
Votre entreprise est installée à Sophia Antipolis, vous êtes investisseurs dans des espaces de coworking en régions, quel est leur avenir ?
Nous avons adressé les régions entre 2020 et 2024 parce qu'il y avait une sous-offre de coworking, contrairement à Paris. Je pense qu'aujourd'hui il ne faut pas comparer les deux, c'est complémentaire. Nous travaillons avec Air France, à Mérignac. C’était un site pilote, demain nous signerons peut-être avec cette entreprise partout en France. Nous avons ArcelorMittal, à Rennes, puis peut être dans une autre métropole où ils sont présents si un besoin se fait sentir. C'est une nouvelle logique de présence dans les territoires. Avant on avait rendez-vous avec Jacques, on allait dans une tour, au 22ème étage, bureau 26. Aujourd’hui, Jacques peut être où il veut. Ce qui est important, c’est de savoir s’il est présent (ou non), s’il est disponible, et s’il est possible de le contacter ou de fixer facilement des rendez-vous à différents endroits, et non plus uniquement au siège, comme c’était le cas avant les changements des modes de travail. La pandémie de COVID a été un énorme accélérateur du travail hybride et de la flexibilité spatiale.
Pourquoi les investisseurs doivent continuer de croire au marché français ?
De plus en plus de grandes entreprises françaises veulent travailler avec des entreprises… françaises ! La France a un écosystème entrepreneurial ultradynamique, soutenu par des infrastructures solides, des écoles notamment de commerces et d’ingénieurs de très haut niveau qui fournissent un super vivier de talents. 100% de mes équipes de R&D sont à Sophia Antipolis à côté de Nice. Je fais vivre l’économie locale, je fais vivre mon pays. Si je commence à adresser le marché américain, on sera 10, je vais être probablement face à 9 américains et j’aurai très peu de chance d’être sélectionné car ils vont privilégier des entreprises de leurs pays. Pourquoi la France n’aurait pas le droit de le faire et ainsi faire vivre ces entreprises locales, qui emploient en France et contribuent à la dynamique de ces villes et territoires en y payant des impôts ?
Juste après le premier confinement, je suis parti au Moyen-Orient et en Asie pour explorer des pistes de développement, mais j’ai vite réalisé que ma place et mon impact étaient bien plus significatifs en France. Je ne regrette pas cette expérience, car elle m’a ouvert l’esprit et m’a apporté de nombreuses idées que je n’aurais sûrement pas eues.